Entretien avec LAST TRAIN

Entretien avec LAST TRAIN

Le 9 mai dernier, Les quatre alsaciens de Last Train ont enflammé la foule du Bataclan avec leur feu sacré. Rock Metal Mag a pu s’entretenir avec Timothée Gerard (basse) et Jean-Noël Scherrer (chant, guitare) juste avant cette prestation survoltée, l’occasion de revenir sur la sortie de leur premier album « Weathering », disponible depuis le 7 avril. Rock

Le 9 mai dernier, Les quatre alsaciens de Last Train ont enflammé la foule du Bataclan avec leur feu sacré. Rock Metal Mag a pu s’entretenir avec Timothée Gerard (basse) et Jean-Noël Scherrer (chant, guitare) juste avant cette prestation survoltée, l’occasion de revenir sur la sortie de leur premier album « Weathering », disponible depuis le 7 avril.

Rock Metal Mag : Comment appréhendez-vous cette date au Bataclan ?

Timothée Gerard : Ça va. On est un peu dans le speed là. Mais c’est cool, ça va vite s’enchaîner. J’ai l’impression qu’on est sur scène dans 10 minutes !

Jean-Noël Scherrer : Ça va très bien. Ça fait longtemps qu’on attend cette date, donc on est content qu’elle soit enfin là.

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Rock Metal Mag : Votre premier album « Weathering » était très attendu. Est-ce que vous étiez sous pression à cause de ça ?

Jean-Noël Scherrer: Non pas vraiment. Nous avions une certaine pression, mais ça venait de nous. On s’en foutait en fait, parce qu’on voulait faire un disque qui nous plaisait à nous. Pour un premier album, c’est un peu bizarre de faire un disque qui plaît directement à ton public. Nous n’avions pas du tout ce résonnement là, et c’est pour ça que nous avons pris du temps afin de faire un album qui nous plaît avant tout.

weathering last train

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Rock Metal Mag : Combien de temps avez-vous passé en studio et comment ça s’est déroulé ?

Jean-Noël Scherrer: Trop longtemps (rires) ! Les premiers enregistrements remontent à très loin. Ça doit bien faire 2 ans et demi, voire 3 ans. Entre temps, nous avons fait beaucoup de tournées, donc les séances d’enregistrements étaient entrecoupées. Je ne sais pas vraiment combien de temps ça fait en studio si on cumule le tout, mais ça s’est étalé sur plusieurs années.

Timothée Gérard : Comme les premières prises ont été faîtes en avril 2014 et les dernières en décembre 2016, et que pendant ce temps là nous étions aussi en tournée, nous faisions parfois des petites sessions en studio. On a fait plus de 200 concerts sur cette période, donc nous avons aussi grandi, nous avons eu de nouvelles envies et de nouvelles ambitions. L’ambition de rester dans l’esprit du premier EP, mais aussi de faire quelque chose de bien roots. Nous sommes passés par plein d’états d’esprit différents, ce qui fait qu’il y avait une méthode d’enregistrement différente pour chaque titre. Le mec avec qui nous bossons s’appelle Rémi Gettliffe et il fonctionne beaucoup à la prise de son, comme un photographe qui voudrait faire une photo sans avoir besoin de faire des retouches, là c’est pareil, il veut le meilleur son dans une prise pour le retravailler le moins possible. Par moments sur certains morceaux, il va y avoir 10 micros sur la batterie avec toutes les parties de batterie et sur un autre morceau, il n’y aura que 2 micros sur cette batterie, un devant et un au fond de la pièce. C’est un peu bizarre car ça rend le morceau assez indélébile, on ne peut pas vraiment le modifier. En fait, il y a plein de choses dans cet album.

Jean-Noël : Je crois qu’on ne se refusait rien. Cette idée de coucher un truc en seulement une prise nous plaît beaucoup. Je me souviens aussi de périodes de frustrations, parce que nous étions justement limité par ce qu’il fallait capter sur le moment. Faut pas oublier que ça reste un premier album, un premier test pour nous. Je pense que pour le prochain, c’est certain qu’on ne prendra pas 3 ans avec plein de tournées entre, parce que ce n’est pas forcément super positif. Ça prend vite la tête et tu deviens un peu fou, mais nous sommes très fiers et contents de ce premier album. Nous voulions un peu expérimenter ce genre de choses.

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RMM : Pourquoi avoir choisi de remettre sur l’album des titres qui figurent sur vos EPs ?

Jean-Noël : En fait, nous voulions ça de base. Pour plein de gens, c’est le premier album qui représente le début de carrière d’un groupe, or pour nous, ce n’était pas vraiment le cas. Nous sommes partis du postulat que plein de monde allait nous découvrir avec cet album et que d’autres personnes nous découvriront dans 2 ou 3 ans en tombant dessus et en se demandant ce qu’il y avait avant, alors que finalement nous n’en savons rien. Nous étions très contents des titres qu’il y avait avant avec « Fire » ou « House On The Moon » et nous voulions que le premier album représente cet esprit là, les prémices de Last Train.

Tim : Et justement, nous avons souvent dit que c’était impensable que « Fire » ne figure pas sur le premier album. On voulait voir ce titre écrit sur la tracklist !

RMM : C’est comme un fil conducteur entre vos EPs et votre album.

Jean-Noël : Ouais grave, à fond. On voulait vraiment que les gens se rendent compte de ça. Nous avons beaucoup tourné sans album, juste avec 2 EPs, mais disons que ça a été plus ou moins réfléchi. Il y a eu « The Holy Family » et « Fragile« , avec à chaque fois un titre éponyme, tout comme pour notre premier album. On a repris à chaque fois 2 titres des EPs, car c’était important pour nous. Quand nous construisons la setlist, nous prenons aussi des morceaux des EPs qui n’apparaissent pas sur l’album, parce que pour nous, ça fait partie intégrante du disque, même s’ils n’y figurent pas. Ces 2 EPs et cet album sont comme un escalier, une démarche que nous devions suivre. Et plutôt que de n’être personne et de balancer un premier opus en attendant de voir ce que ça fait, nous, nous avions envie de nous construire avec 2 EPs avant d’avoir un premier album.

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RMM : En plus les trois pochettes sont en noir & blanc. Pourquoi ce choix ?

Tim : On aime bien !

Jean-Noël : Nous aimons ce qui est sobre ou lisse. Ça peut paraître péjoratif, mais nous ne sommes pas un groupe extravagant. J’ai l’impression que tu peux montrer beaucoup plus de nuances à travers du noir et du blanc. Je ne sais pas si je suis très clair dans ce que j’exprime, mais il y a quand même beaucoup de couleurs dans une palette de noir et blanc. Il y a plein de gris différents par exemple. Je pense que cette palette de couleurs là représente beaucoup plus ce qu’est Last Train, plutôt qu’un jaune, un rouge ou un vert.

Tim : Ouais, et puis c’est quelque chose que nous voulions aussi garder. C’est un peu comme ce qu’on expliquait tout à l’heure avec les chansons. Nous nous sommes dit que nous allions rester dans cette lignée là, car ce sont les bases. Nous ne nous fermons à rien, nous ne disons pas qu’il n’y aura peut-être pas de couleurs par la suite…

last train fragile the holy fam

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RMM : Vous étiez indépendants avec votre propre label Cold Fame Records, et maintenant vous êtes chez Barclay qui fait partie d’une major. Est-ce que vous avez toujours autant de contrôle sur le groupe ?

Jean-Noël : En fait « contrôle » c’est très péjoratif, un peu comme si tu voulais tout garder pour toi. Nous n’avons jamais créé ce label pour essayer de tout garder pour nous. Il faut se mettre à la place d’un groupe de musique. Les gars cherchent à ce que leur musique soit diffusée le plus possible. Nous croisons beaucoup de groupes pour qui trouver un tourneur ou un label c’est le Saint Graal. Nous par contre, nous n’avions personne et nous ne connaissions personne. A l’époque, nous avons fait ça pour rentrer dans la cours des grands. Pas mal de gens diabolisent les majors. Nous on ne nous a jamais reproché de signer avec Alias, qui est le tourneur de Muse et de Damon Albarn, alors que c’est pourtant une grosse structure qui fait de l’argent. On ne nous a jamais rien demandé par rapport à ça. Ce n’est pas autant diabolisé qu’une major. Nous nous entendons très bien avec les membres de Barclay, qui ont été les premiers à nous apporter un discours intéressant. Le fait qu’on crée notre propre maison de disque et qu’on fasse énormément de concerts, ça a attiré du monde. Nous avons donc eu beaucoup d’offres et plein de discours, mais c’est finalement celui de Barclay qui était le plus intéressant parmi tous, que ce soient des labels indépendants ou d’autres majors. Nous signons toujours avec des personnes plutôt qu’avec une structure. Là, nous savions que nous avions affaire à des gens qui tenaient le même langage, donc on s’est dit « go » et pour le moment, c’est plutôt une chouette aventure.

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RMM : Pourquoi avoir décidé d’effacer la période 2012/2013 avec vos EPs « What’s Wrong With Me » et « She’s Got Your Soul » ?

Tim : Bien vu ! A l’époque même si le nom de Last Train était déjà là, c’était quand même autre chose. Le line up était différent, nos ambitions aussi, ce qu’on jouait était différent et nous n’avions pas du tout la même façon de penser le truc. On avait un peu envie de repartir à zéro. Bon ok, nous n’avons pas changé de nom, mais l’intention était là.

Jean-Noël : Je crois que ça fait aussi partie du paradoxe de pourquoi on ne change pas de nom en fait. Les gens nous demandent pourquoi on s’appelle Last Train, et nous répondons que c’est pour le souvenir d’enfance. Ça résume bien ça. C’est un groupe qui existe depuis que nous avons 13, 14 ans et il y a eu plein de phases différentes, dont celle où on jouait dans un bar en faisant seulement de l’instrumental. Plus personne ne parle de cette période et ce n’est peut être pas plus mal. On avait 16, 18 ans à l’époque de She’s Got Your Soul. Je pense que ce n’est pas plus mal d’avoir attendu avant de partir en tournée, parce qu’il fallait qu’on se construise.

Tim : Ça ne jouerait pas trop en notre faveur d’avoir ça qui traîne. Ça n’a plus trop de sens !

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RMM : Vous avez donné des concerts en Asie et aux États-Unis avant même de sortir un album. C’est assez incroyable. Quelles leçons de vie ou quelles expériences vous ont marquées au cours de ces aventures ?

Tim : Énormément de choses. Tu sais, nous sommes un peu des campagnards. Nous faisions des tournées dans toute la France, ce qui est déjà complètement incroyable… Quand tu arrives sur le sol chinois, tout est différent, même l’air, et tu joues dans un endroit où tu ne comprends rien. Je pense qu’à partir de ce moment là, tout ce que tu vis va apporter une petite pierre à l’édifice du voyage et donc de ta vie.

Jean-Noël : Quand nous sommes arrivés aux États-Unis par exemple, ce n’était pas du tout la même expérience. Certains y étaient déjà allés, d’autres pas du tout, mais il n’y pas eu ce genre de gros choc où c’est radicalement différent. Les européens sont tellement inspirés du modèle américain que tu t’y retrouves. Les buildings sont juste un peu plus grands. Alors que quand tu vas au Vietnam, ou en Birmanie, tu n’as aucun repère. Et c’est magique en fait. Moi ce sont mes plus beaux voyages et je pense que c’est pareil pour nous tous. Tu rencontres plein de gens, tu rencontres la vraie vie en fait, et c’est d’autant plus magique.

Tim : Quand tu arrives, tu es un peu dans un état second, un état de découverte. Et puis tu sais que tu es en Asie, alors tu vas être un peu moins regardant sur la technique, parce que tu vas jouer sur des trucs sur lesquels tu n’auras pas vraiment le même son qu’ici. On va être moins exigeants et on s’adapte. Tu sais que tu es en Chine, donc rock’n’roll quoi !

Jean-Noël : Ce n’est pas facile. Tu as 2h de balances mais ton kick ne sonne pas comme tu le voudrais, tu n’as pas ton shampoing dans les loges. Tu es à l’autre bout du monde mais tu te débrouilles. Je me souviens d’une chambre d’hôtel où le lit était comme une planche de bois. Vous, vous étiez partis faire la fête et moi, je m’étais couché parce que j’avais peur de perdre ma voix. Donc le lit, c’était une planche en bois, et je n’arrivais pas à dormir alors j’ai été prendre une douche mais il y avait des insectes partout… Ok cool (rires) ! Finalement tu sors et tu vas fumer des clopes pendant 2 heures, jusqu’à 6h du matin, et tu repars. Attention, nous sommes aussi arrivés dans des endroits fabuleux où on t’accueille dans un hôtel de luxe alors que la veille tu dormais par terre. Ce sont de grands écarts comme ceux là qui rendent l’expérience magique.

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RMM : Ce soir vous jouez dans une grande salle parisienne. Est-ce que vous souhaitez vous éloigner un peu des petites salles ?

Jean-Noël : C’est différent ici. Même si on a beau dire qu’il n’y a aucun concert qu’on appréhende plus qu’un autre, Paris ça reste quand même spécial. Déjà, il y a beaucoup plus de monde. On ne remplirait pas une salle de 1500 personnes à Saint Jacut les pins. Mais nous avons un rapport particulier avec Paris, car nous avons donné plein de concerts ici, notamment en première partie. Nous sommes passés par le Casino de Paris, le Nouveau Casino, le Point Éphémère, la Maroquinerie… Nous avons dû faire 20 ou 25 concerts ici, donc au bout d’un moment, tu as envie que ça en jette un peu. Nous étions super contents d’avoir cette occasion là. Quand nous avons vu le prix des billets à 25€, on s’est dit que c’était super cher. Nous n’avons jamais donner un concert en notre nom à ce prix là ! C’est vraiment particulier.

Merci à Last Train et à Barclay

Site: http://www.lasttrain.fr/