LARKIN POE: Interview de Gaelle avec Rebecca et Megan Lovell qui ont sorti leur nouvel album Blood Harmony,
Entretien avec les soeurs Rebecca et Megan Lovell du groupe LARKIN POE
Par Gaelle
Leur nouvel album Blood Harmony est sorti en digital le 11 novembre 2022 et il est disponible en France en version CD & vinyle depuis le 18 novembre 2022 via Tricki-Woo Records (distribution Cooking Vinyl / Wagram Music).
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Rock Metal Mag : Parlons de votre dernier album « Blood Harmony ». On dirait le mélange parfait de toutes vos influences. On peut y entendre des sonorités blues, heavy, rock et country. Comment avez-vous abordé la création de cet album ?
Rebecca Lovell : Merci pour cette remarque ! Je pense que nous avons abordé la création de Blood Harmony différemment de ce que nous faisions par le passé. Avant cet album, tout était fait maison. Nous composions tout nous-même. Je faisais la guitare, le piano, la batterie, la basse et bien sûr le chant. De cette manière, nous étions certaines d’être en possession de toute notre créativité. C’est une méthode qui nous a été très utile sur les deux derniers albums.
Pour Blood Harmony, nous voulions combler le fossé entre le studio et le live.
Il fallait montrer qui était Larkin Poe sur scène et en studio. On voulait ramener l’énergie des concerts, mais aussi avoir une approche plus analogique. C’est pour cela que nous avons enregistré avec notre batteur. Ca apporte vraiment plus de force et d’énergie. C’était très gratifiant de procéder ainsi.
Megan Lovell : Je pense que cet album montre davantage qui nous sommes et comment nous sonnons. C’est ce que nous voulions. En partant dès le départ avec cet état d’esprit, nous savions que cet album serait taillé pour la scène. Nous avons fait tellement de tournées et voir les gens chanter nos chansons, voir leur énergie, ça motive. Tu veux que, pour eux, les choses soient bien faites ! Nous avons donc composé en imaginant ce que cela donnerait avec le public qui chanterait avec nous. C’est une perspective différente dans le processus d’écriture.
C’est vraiment un album pour la scène.
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Rock Metal Mag : Y-a-t-il une chanson qui vous a donné du fil à retordre ?
Rebecca Lovell : Oui, il y en avait quelques-unes qui étaient difficiles. Je pense à Deep Stays Down. Cette chanson a requis beaucoup de patience. Nous aimions les paroles et la mélodie que nous avions écrites mais pour trouver le bon arrangement, il nous a fallu 4 ou 5 approches différentes. Je suis très fière de nous pour avoir eu autant de patience ! Il y a 5 ans, nous n’aurions pas eu cette grande patience, ou même, la vision de rester sur notre lancée.
Megan Lovell : C’est vrai, nous aurions dit « ok, cela ne fonctionne pas, on se débarrasse de cette chanson ». Mais maintenant que nous faisons tout nous-même, ça marche mieux, et on se dit plutôt « ok on va essayer autrement ». Et on le fait jusqu’à ce que cela fonctionne. Nous aimions cette chanson, sa mélodie, ses paroles et son thème. Il fallait juste lui trouver le bon « vêtement », si je peux dire !
Blood Harmony aussi, a été difficile… c’est ta chanson Rebecca.
Rebecca : Oui j’adore cette chanson. Je savais que je voulais écrire un morceau qui célébrerait la connexion que nous avons au sein de notre famille, et plus particulièrement notre connexion avec notre mère. C’est elle qui nous a dit de chanter des mélodies quand nous avions 3 ou 4 ans. Je voulais donc écrire un titre qui honorerait ce lien. C’était quelque chose d’important en terme d’écriture, du coup il y avait une plus grande pression. J’ai ressenti plus de difficulté à déterminer si la chanson étais suffisamment bonne.
Je voulais qu’elle soit parfaite.
Pourtant je sais que nous sommes tous humains et que cela ne peut jamais être parfait. J’ai essayé tellement de choses différentes pour ce titre. Au bout du compte, cela m’a rendu plus forte dans ma patience et mes performances. A un tel point qu’il a fallu que je me force à me dire que c’était terminé. « C’est fini maintenant, laisse tomber, cette chanson est importante, mais elle l’est dans ton cœur, pas parce qu’elle doit être la meilleure chanson jamais écrite ».
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Rock Metal Mag : Vous avez enregistré votre album chez vous dans votre studio en compagnie de votre famille. Vous sentez-vous plus créatives dans cette petite bulle ?
Rebecca : Oh intéressant ! (ndlr : à Megan) Est-ce qu’on se sent plus créatives dans une bulle ?
Megan : Oui je le pense. Parfois quand tu enregistres dans un studio où tu dois payer, tu as conscience de l’argent que tu dois dépenser pour cela. Donc, cela peut te pousser à te précipiter un peu plus et à passer rapidement à autre chose. Tandis qu’en étant chez toi, dans ton propre studio, tu te sens plus à l’aise.
Tu as la chance de pouvoir expérimenter davantage et de prendre le temps dont tu as vraiment besoin.
Rebecca : Tout à fait. Et je pense que le fait d’être chez moi, ça me pousse à travailler davantage. On a fait tellement de boulot là-bas. Mais comme on se sens plus à l’aise, c’est aussi plus facile de se sentir vulnérable. C’est aussi plus facile de prendre des risques en essayant quelque chose de nouveau. Tu te sens vraiment en sécurité. En définitif, oui je pense que c’était une bulle et je crois que cette bulle nous a bien aidé.
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Rock Metal Mag : Et comment abordez-vous les choses avec vos chansons quand il n’y a que vous pour donner votre avis ?
Rebecca : J’adore cette question ! C’est une chose sur laquelle nous travaillons depuis des années, le fait de déterminer nos propres points de vue. Nous sommes deux personnes très différentes. Nous nous connaissons très bien et nous avons des objectifs similaires, mais la façon dont nous voulons faire les choses peut différer. Il n’y pas une manière de faire qui soit meilleure qu’une autre, seulement des façons de faire qui sont différentes. Equilibrer nos visions des choses n’est qu’une question de balance. (ndlr : à Megan)
Penses-tu que nous nous sommes améliorées ces dernières années ?
Megan : Oui c’est certain ! Maintenant que nous sommes dans notre trentaine, nous n’avons jamais été aussi sûres de ce que nous voulons. Et surtout, nous faisons en sorte de mettre nos egos de côté, autrement, cela peut créer une rivalité. Cela a beaucoup à voir avec l’ego. Une fois que tu enlèves ça, il est plus facile de prendre les bonnes décisions. C’est effectivement une balance entre les décisions de Rebecca et les miennes, mais aussi celles de Larkin Poe dans son ensemble. C’est ce dernier point qui surpasse tout !
Rebecca : C’est vrai.
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Rock Metal Mag : Oui et on peut vraiment voir que vous êtes des sœurs très soudées.
Rebecca et Megan : Oui c’est le cas !
Megan : Cela vient de toutes ces années où nous avons travaillé ensemble. Quand nous étions enfants, nous étions comme un lot, un duo indissociable. Nous faisions tout coude à coude. Donc, en fin de compte, ce n’est pas très surprenant que nous soyons encore toutes les deux ensemble en tant qu’adultes. Nous sommes très connectées.
Rebecca : Nous voyons beaucoup de groupes avec des frères et sœurs qui implosent, et je comprends pourquoi. Il y a des frères et sœurs qui ne se supportent plus. Nous ne voulons jamais atteindre ce point là. Je pense que tu peux te laisser surprendre par cette mauvaise dynamique si tu ne fais pas un point sur ton ego. Il faut au contraire célébrer les liens de la relation et surtout, travailler sur la communication ! C’est tellement important.
La communication est la clé.
C’est si capital pour nous de parler de tout, tous les jours. C’est comme ça que nous avançons ensemble.
Megan : Car nous tournons ensemble. Quand nous sommes à la maison, on est toutes les deux. Quand nous partons en vacances en famille, nous sommes également ensemble (rires).
Rebecca : Ensemble encore et toujours ! Elle ne peut pas se détacher de moi ! Elle ne le pourra jamais car je suis la petite sœur qui sera toujours là (rires).
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Rock Metal Mag : Était-ce un moment stressant quand vous avez dévoilé l’album terminé à votre entourage ?
Rebecca : Cette question sur le côté stressant est intéressante. Notre entourage nous encourage. Tu le fais écouter à ta famille, aux gens que tu aimes. C’est merveilleux de jouer de la musique pour tes fans, mais c’est une toute autre chose de jouer de la musique pour les personnes qui te connaissent réellement.
Alors comment se sent-on dans ce cas là ? Mm…
Megan : C’est différent pour chaque personne. Nous n’avons pas joué l’album pour beaucoup de gens avant qu’il ne sorte. On l’a joué pour notre management et à ce moment là j’étais un peu nerveuse, car je voulais vraiment qu’ils aiment l’album. On l’a également fait pour maman et papa, mais je n’étais pas inquiète, car je savais qu’ils l’aimeraient.
Je l’ai joué pour mon mari. C’est un musicien talentueux et je le respecte énormément. Je voulais qu’il trouve l’album cool ! Et toi Rebecca est-ce que tu étais stressée ? Car tu n’as pas eu à le jouer pour Tyler la première fois, vu qu’il a participé à l’enregistrement.
Rebecca : C’est vrai ! Je crois que j’étais moins nerveuse pour ce projet. Je me sentais plus confiante sur la manière dont cet album sonnerait. On sonne naturellement comme un groupe, donc je ne m’inquiétais pas trop. C’était très sympa.
Megan : C’est bon signe !
Rebecca : Oui, c’est une expérience incroyable de partager son travail créatif. Mais, tu peux être blessée. Il faut faire attention et séparer ta personne de tes sentiments.
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Rock Metal Mag : Est-ce que vous prêtez attention aux paroles, autant qu’à la musique ?
Rebecca : Oui, énormément ! Je crois que je veux être la principale parolière pour le groupe.
Megan : Rebecca écrit très bien les paroles !
Rebecca : Plus je vieillis, plus je réalise l’importance d’exprimer ce que je veux vraiment dire. Il faut faire attention à ce que tu dis dans tes chansons. Maintenant je prends ce rôle de parolière plus sérieusement. Avec cet album, nous disons quelque chose que nous n’avons jamais dit auparavant. Cela me rend fière.
Et cela me pousse à accroitre ce respect que j’ai dans l’écriture des paroles.
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RMM : Et y a-t-il des paroliers ou des écrivains qui vous inspirent ?
Rebecca : Oh que oui ! Tom Waits m’inspire, ainsi que Chris Whitley et Sheryl Crow…
Megan : Chris Stapleton et Jason Isbell sont aussi des personnes inspirantes que nous respectons beaucoup depuis plusieurs années.
Rebecca : Je pense que plus j’écoute de la musique, plus je me plonge dans les paroles, et plus je me rends compte du grand nombre d’écrivains qui sont incroyables. Il y en a beaucoup sur cette planète. J’en suis reconnaissante !
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Rock Metal Mag : Pendant la période du covid, avez-vous expérimenté une sorte d’introspection musicale qui vous a fait changer la manière dont vous voyez la musique, qui est votre passion ?
Megan et Rebecca : Ouais !
Rebecca : La pandémie a été très difficile. C’était une période pleine d’incertitude pour tout le monde. Cela a ouvert des espaces à combler par l’introspection et la réflexion. C’était un peu effrayant de se retrouver dans cette situation. Nous vivons une existence où nous allons à cent à l’heure. Nous sommes toujours prêtes à bouger, donc rester au même endroit avec nos pensées était un exercice difficile. Mais je pense que ça nous a permis de faire grandir notre relation en tant que sœurs, ainsi qu’avec nos familles. Il en va de même avec la musique.
Nous avons beaucoup appris à travers cette pandémie.
Megan : Je crois que la connexion entre nous, en tant que musicienne qui sommes à l’écoute et qui se soutiennent, a changé. J’ai pris davantage conscience de l’importance de la musique et de la connexion qu’elle crée entre les gens. La musique est vraiment là pour les personnes dans les moments difficiles. C’est très puissant. Encore plus quand tu crées cette musique qui peut changer la vie de quelqu’un. C’est assez incroyable.
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Rock Metal Mag : Vous avez votre propre label depuis 2017. Quels sont les bons côtés et les mauvais aspects liés à cela ? Comment vous le gérez ?
Megan : Il y a beaucoup de bons côtés. Nous avons la totale liberté de faire exactement ce que nous désirons, quand nous le souhaitons. On prend les décisions ! On a sorti beaucoup de projets et on peut passer à autre chose très rapidement. Nous sommes capables de faire tout ça sans que personne ne nous dise quoique ce soit.
C’est très positif pour nous.
Rebecca : Oui, et même les points négatifs ne le sont pas tant que cela. Nous devons passer beaucoup de temps sur le côté business ou encore sur les réseaux sociaux, comme un entrepreneur, mais je ne suis pas certaine de voir du négatif là-dedans. Il y a beaucoup de pression évidemment…
Megan : Personne ne va te dire quoi faire. Tu dois prendre toutes les décisions et planifier ce que tu vas faire, donc c’est ce qui peut mettre une certaine pression.
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Rock Metal Mag : Aimeriez-vous avoir/vendre votre propre guitare signature, lap steel signature ?
Megan : Oui tout à fait, d’ailleurs c’est déjà sorti ! Mon lap steel se nomme l’ElectroLiege. Nous l’avons fait avec Beard Guitars. C’est un lap steel qui se joue debout, comme le mien. C’est sorti début novembre.
Rebecca : Je n’ai pas cette vision de grandeur pour mon propre modèle signature. Je pense que cela pourrait être fun de le faire à un moment donné. Mais, je ne suis pas sûre d’avoir trouver ce que je veux créer, mon truc unique. Megan a dévoilé quelque chose de très créatif avec son ElectroLiege. Elle a vraiment imaginé une toute nouvelle forme pour ce lap steel. C’est unique et donc très cool !
Si jamais je poursuis l’idée d’avoir ma guitare signature, je veux qu’elle soit tout aussi unique.
Par contre, nous avons fait une pédale et c’était super amusant. Nous devrions en faire plus ! Ca pourrait être bien. Nous nous sommes associé à Zvex pour faire une pédale fuzz. Le mec qui est à la tête de cette compagnie, Zachary Vex, est un génie créatif. Notre pédale s’appelle « Peaches n’Scream » et elle est très similaire à une autre pédale que la compagnie avait déjà préconçue. On a changé quelques trucs pour la rendre plus simple, car nous ne sommes pas des magnats.
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Rock Metal Mag : Vous avez joué avec des légendes de la musique, avec un orchestre et également avec vos maris. Avez-vous encore des rêves à accomplir sur scène ? Qu’aimeriez-vous expérimenter ?
Megan : Je pense que j’aimerais jouer avec Emmylou Harris. C’est une artiste folk incroyable.
Rebecca : Moi je pense que j’aimerais faire une tournée familiale. Ce serait tellement cool d’avoir Megan et moi-même représentant Larkin Poe, avec Mike Seal le mari de Meg, à la guitare, à la basse et aux claviers. Il y aurait mon mari Tyler Bryant à la guitare, à la basse et à la guitare à résonnateur. Il nous faudrait juste trouver le bon batteur. Peut-être Caleb Crosby des Shakedown.
Je crois vraiment qu’un groupe familiale serait un truc géant !
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Rock Metal Mag : Quelle serait la bande son de votre vie en ce moment ? Vous pouvez choisir un de vos morceaux !
Rebecca : Je vais être assez ennuyante et choisir l’album de quelqu’un d’autre ! Est-ce que tu connais Iron & Wine ? Tu devrais écouter à l’occasion car c’est vraiment un groupe fantastique. Quand les saisons changent, comme c’est le cas maintenant, j’aime écouter une musique à l’humeur changeante. L’album « Our Endless Numbered Days » de Iron & Wine s’y prête bien. C’est clairement ma bande son actuellement.
Megan : Je pense que j’aurais besoin de « Rumours » de Fleetwood Mac. C’est un super album. Mais vraiment, littéralement…. « Blood Harmony » est la bande son de notre vie (rires). Ce sont les chansons que l’on écoute et que l’on joue en ce moment… tous les jours !
Rebecca : Hier nous avons fait une séance dédicaces chez Gibert Music et l’album passait en boucle dans les enceintes du magasin. C’était dingue ! On est resté là-bas 2 ou 3 heures et on devait l’écouter encore et encore. C’était tellement narcissique (rires) !
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Rock Metal Mag : Votre prochaine date parisienne se déroulera à l’Olympia. C’est une salle mythique…
Megan : C’est iconique !
Rock Metal Mag : Oui avez-vous entendu parler de ça ? Les Beatles, les Stones et Hendrix y ont joué !
Rebecca : Oui j’avais entendu parler de cette belle salle car Jeff Buckley est passé par là. Il a fait un album live à l’Olympia. Le fait de savoir que nous allons jouer au même endroit est très excitant. Nous sommes honorées.
Retrouvez les 5 dates françaises ci-dessus.
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Merci à Olivier Garnier de Replica Promotion et à Larkin Poe.