INTERVIEW DU GROUPE TRANK AU BLACK DOG

INTERVIEW DU GROUPE TRANK AU BLACK DOG

Trank a sorti son 1er album studio The Ropes, le 15 septembre et quelques jours avant Rock Metal Mag a pu s’entretenir avec Michel et David.

Jeudi 10 septembre 2020, le groupe TRANK était en journée promotion au Black Dog à Paris avec Roger de Replica Promotion

De gauche à droite : Julien Boucq (guitare), Michel André Jouveaux (chant, programmation), David Spatola (basse) et Johann Evanno (batterie)

Rock Metal Mag a pu s’entretenir avec Michel et David au sujet de The Ropes, leur 1er album studio qui sort ce 15 septembre 2020

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Rock Metal Mag : Quel a été votre parcours avant de fonder TRANK et comment est née cette collaboration entre vous quatre?

Michel : On est tous des passionnés de musique depuis toujours. Pour plein de raisons, on n’a pas fait le choix d’être musiciens professionnels quand on avait 15/18/20 ans.

Mais, lorsque nous nous sommes rencontrés et que l’on a entendu la musique que l’on faisait ensemble, on s’est rendu compte que nous étions en train de créer quelque chose qui méritait vraiment d’être traité comme un projet Pro.

Moi, j’étais dans un groupe de reprises qui marchait bien sur Genève depuis un dizaine d’années. Mais il se refusait de passer à l’étape de la compo pour plein de raisons, alors que moi, cela me tentait beaucoup.

Et en fait je cherchais un guitariste qui soit capable de composer des choses sur lesquelles je pourrais utiliser un chant rock. Car lorsque je m’assieds et que je compose, j’ai plutôt tendance à faire des choses assez mélancoliques, avec du chant assez doux. Or j’aime bien utiliser une voix plus rock que ça.

J’ai rencontré Julien, cet espèce de mutant tombé de nulle part avec son style incroyable, hyper flamboyant, très rock mais vraiment unique. Il y avait à la fois quelque chose de très spectaculaire et de très mélodique avec la touche de noirceur que je cherchais.

On a donc commencé à bosser ensemble sur deux/trois démos et j’ai ensuite fait appel à Johann, notre batteur, qui est un ami de longue date. Je savais qu’il cherchait un projet dans lequel il pourrait s’investir plus professionnellement. Et je pensais que ce projet là justement serait parfait pour nous.

Et puis la dernière pièce du puzzle qui est ici (en me montrant David) a mis du temps à se mettre en place. On est passé par pas mal de bassiste avant de trouver David. Cela s’est fait de manière très classique par petite annonce.

Lorsqu’il est arrivé il y a un truc qui s’est passé. Il a vraiment apporté quelque chose au son du groupe qui nous a donné notre identité finale. Et puis il y a aussi l’esprit de bande qui s’est mis en place de façon très naturelle.

On existe depuis un peu plus longtemps que ça mais on considère que Trank est vraiment né en 2016, au moment où David est arrivé.

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Rock Metal Mag : Donc après la sortie de l’EP Midlife Noises, et en remplacement de Max Fridière .

David : Oui, c’est ça, juste après la sortie de l’EP.

Michel : L’EP Midlife Noises, on l’a fait avec Max un ami de Julien. Il était un très bon bassiste et il a choisi de ne pas continuer pour diverses raisons.

David : Et moi je venais d’arriver dans la région et je recherchais justement un groupe. Donc j’ai pris un peu de temps et j’a fait une pause dans la musique. J’ai préféré arrêter quelques temps car il ne se passait plus rien.

Trouver des groupes intéressants cela devient compliqué. J’ai quand même écumé quelques auditions rigolotes et puis lorsqu’ils ont passé l’annonce l’EP était en écoute. Donc j’ai dit, ok, là c’est du sérieux, les gars sont des zicos. Et j’ai voulu le faire pour voir où cela me mènerait.
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Rock Metal Mag : Est ce que TRANK a une signification particulière?

Michel : Non. (rires) En ce qui concerne l’histoire du nom Trank c’est que dès le début, on pensait que notre musique avait des chances de marcher mais pas qu’en France. On s’est toujours vu comme un groupe qui allait jouer à l’international. On voulait un nom qui soit simple et qui se prononce un peu de la même façon dans toutes les langues.

Avec Julien, pour une raison un peu débile, on voulait qu’il y ait un K dans le nom. Notre musique a un coté un peu monolithique, un peu germanique dans la façon d’organiser toute la partie rythmique sans être de l’indus. Même si ça fait un peu référence à ce genre là.

Et puis dans une discussion c’est Yohann qui a trouvé le nom. Je lui avait donné deux mauvaise idées qu’il a pris et il en a fait une seule bonne.

Je lui parlais de Crank, les films avec Jason Statham, qui sont assez extraordinaires et qui racontent l’histoire d’un type qui fait la chasse à l’adrénaline pour ne pas mourir. Et finalement c’est notre histoire à tous les quatre.

Ensuite, je suis aussi très fan de Kratwerk. A une époque le groupe avait fait un morceau très drôle intitulé Boing Boom Tschak qui se moquait d’une critique sur le thème qu’ils avaient reçu de la part d’un journaliste. Et comme Tschak s’écrivait avec un K, j’ai donné le mot à Yohann avec Crank en première idée.

Et pour rigoler il m’a dit en blaguant d’ajouter les deux ensemble pour faire TRANK. C’était tellement génial sur l’écran que cela a été immédiatement adopté.

Cela signifie aussi « tranquillisant » en abrégé en anglais mais c’est vraiment une coïncidence. Surtout vu la musique que l’on fait. (rires)

Rock Metal Mag : J’avais trouvé « buvait » en traduction.

David : Oui, c’est aussi le passé simple de boire en allemand.

Michel : Mais nous ne sommes pas aux alcooliques anonymes. (Rires) Le but était d’avoir un nom international qui ressemble à la musique que l’on fait.

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Rock Metal Mag : Cet album, vous le préparez depuis combien de temps?

Michel : Une trentaine d’années !! (rires)

David : Oui, je pense que, chacun dans sa tête le prépare même depuis une quarantaine d’années.

Michel : On sait que l’on veut faire un album depuis 2017. C’était important pour nous, ne serait ce que d’un point de vue symbolique, car on a tous grandi avec les générations d’artistes qui pensaient en terme d’album et non en collection de singles.

Après nous sommes tous très perfectionnistes mais de manières très différentes. Donc on préférait sortir des choses lentement mais en les faisant bien plutôt que très vite et à moitié et en devant les refaire après.

D’où l’idée de se faire déjà la main sur des singles. Affiner notre son, notre façon de jouer, de produire et de mixer avec ces singles là. Et à partir du moment où l’on a vraiment trouvé notre truc, notre manière d’aborder les morceaux et d’analyser leurs potentiels, on a pu se lancer dans un album.

Et puis aussi en 2018, on avait besoin de singles pour essayer de jouer au maximum en premières parties de grosses salles, plutôt que de concerts en Headliner dans des petites salles.

La musique que l’on fait est assez ample et elle sonne mieux quand tu la joues dans une grande salle. Attention je ne veux pas dire qu’elle est meilleure que celle des autres. Je ne veux pas être prétentieux, c’est juste que notre musique a ce coté très massif, très monolithique, à l’atmosphère très large.

On voulait vraiment avoir la chance de la mettre en valeur dans des grandes salles. On a choisi de faire 3 beaux singles avec 3 beaux clips afin de les utiliser comme carte de visite auprès des tourneurs des grands groupes pour décrocher des premières parties. Et ça a marché.

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Rock Metal Mag: Effectivement cela a super bien fonctionné puisque ces singles ‘In Troubled Times’ , ‘Bend or Break’  et ‘Undress to Kill’ vous ont permis d’ouvrir pour des groupes tels que Deep Purple (Riga en Lettonie en juin 2018), Anthrax (décembre 2018 à Moscou) , Papa Roach (juin 2019 à Vilnius ) et Disturbed (juin 2019 à Bucarest). Quels souvenirs marquants gardez-vous de ces concerts?

David : Alors déjà lorsque l’on t’annonce que tu vas ouvrir pour Deep Purple, que tu sois fan ou pas, c’est énorme. C’est quand même un groupe mythique. Nous, en l’occurrence, on est tous de grands fans de Deep Purple avec lequel on a tous grandi. Il fait partie de notre culture.

Michel : C’est quand même la royauté du rock !

David : Donc, ouvrir pour ce groupe, au début tu n’y crois pas et tu penses à une blague.

Michel : C’est la première réaction que l’on a eu quand notre manager nous l’a annoncé. (rires)

David : Notre plus grand moment, c’était vraiment l’ouverture de ce concert . (ndlr : Riga en Lettonie en juin 2018 )
Pendant nos balances, les gars de Deep Purple traînaient sur scène, pour régler 2 ou 3 choses. En même temps ils prenaient quelques photos et hochaient la tête de façon positive en nous écoutant.

Mais ensuite il y a eu ce grand moment où l’on a eu la chance d’être en Side Stage pendant le concert de Deep Purple. Et puis le claviériste Don Airey, s’est lancé dans un solo monumental de 15mn, comme à chaque concert. Alors le guitariste Steve Morse s’est tourné vers nous et à débarqué avec sa bière pour trinquer avec nous. en disant : « C’était super votre concert » .

Michel : Pendant LEUR concert ! Steve Morse a pris sa petite pause avec nous. Ils ont été incroyables.

David : Là, on a vécu vraiment un grand moment. Ce sont de vrais messieurs.

Michel : Ils ont quand même sorti un communiqué de presse la veille, pour demander à leurs fans de venir à l’ heure pour ne pas louper la première partie. Ces mecs là, ils sont vraiment bien. Du coup quand on est monté sur scène, il y avait 16 000 personnes dans la salle, chauffées à blanc. C’est vraiment un souvenir énorme.

Et la semaine d’avant on jouait devant 50 personnes. Concert privé. On a adoré. Mais le choc était un peu brutal ensuite.

David : Et une fois que l’on a goûté à ça ! C’est compliqué de revenir en arrière.

Michel : Je me souviens qu’après le concert, on s’est regardé tous les deux et en sortant de scène il m’a dit : « On recommence demain ». (rires)

David : Ah oui, moi je repartais de suite. Surtout qu’ils nous ont dit que c’était dommage qu’ils ne nous aient pas connu avant car ils avaient eu une vingtaine de concerts au cours de leur ancienne tournée en France et ils auraient bien aimé nous avoir.

Michel : ils n’étaient pas ravis de leur première partie précédente.

David : Donc voilà, c’est encore un petit plus et on espère avoir une autre occasion.

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(Picture credit : Anca Coleasa)

Rock Metal Mag : En ce qui concerne la composition de cet album, c’est surtout Julien Boucq qui apporte le riff de base et vous construisez autour?

Michel : Alors c’est plus varié que ça. Au début, la plupart des compos venaient de Julien. Ensuite, ensemble, on les mettait en forme au niveau des structures, des arrangements, etc.. Et à la fin, je mettais les voix.

L’utilisation des machines et de l’électronique est venu après car on s’est rendu compte que cela apportait beaucoup à ce que l’on fait.

Maintenant, typiquement, c’est soit Julien, soit David, qui arrive avec une idée embryonnaire qui va tourner autour d’un riff de guitare ou de basse. David est aussi guitariste. Mais cela peut être aussi une idée déjà développée dans laquelle il y a suffisamment de sections pour faire une intro, un couplet, un refrain, etc..

Dans les deux cas, ce qui se passe en général, c’est que je vais faire un petit peu de boulot de structure dessus. Ensuite je le propose à nouveau à Julien ou à David pour vérifier que l’on est bien aligné sur le développement du morceau. On fait deux ou trois aller-retour comme ça, par ordinateurs interposés.

Uns fois que l’on a une colonne vertébrale du morceau, on le travaille ensemble en répétition. De là, on commence à bosser l’arrangement. Quelle section est vraiment indispensable ou doit être plus mélodique, un peu plus rythmique, jusqu’à ce que l’on est une instrumentation qui se tienne.

Ensuite je prends le morceau et je rajoute la partie électronique de texture à laquelle on pense déjà pendant les arrangements de base : Basse, guitare, batterie. L’électronique vient pour embellir les choses. Une fois que l’instrumental est abouti, je mets le texte et la voix dessus.

Mais on va quand même dire que la plupart du temps les idées viennent de Julien ou de David. De temps en temps j’en amène une et en général, j’amène une structure complète, mais je laisse l’arrangement vide. C’est à dire que cela va être une suite d’accord avec la mélodie vocale par dessus.

Mais il y a une telle identité dans ce groupe qu’il se passe des trucs vraiment géniaux quand on partage nos idées. Donc j’amène un squelette et on met la chair dessus ensemble.

David : Ce qui est intéressant est que cela va assez vite. Tous se monte très rapidement. Les idées fusent et on arrive à se dire que même si un passage est bien, il ne va pas là où on veut le mettre. Alors ce n’est pas grave on le retire et on le garde pour autre chose.

Il y a beaucoup de groupes qui se compliquent la vie en voulant absolument reconstruire une chanson avec un bout qui ne va pas. Nous on reste vraiment sur la colonne vertébrale et si ça ne convient pas on n’hésite pas à enlever. Et c’est très agréable de travailler comme ça.

Michel : En fait il n’y a pas d’Ego dans notre façon de composer. C’est à dire que même la personne qui va amener l’idée, ce qu’elle a en tête c’est ce qui fait que l’on sonne bien ensemble. Donc c’est la façon dont nos influences et nos personnalités se complètent musicalement. Il faut que chacun enrichisse l’idée de base à sa manière.

Yohann qui ne compose pas a un rôle essentiel sur toute la partie structure et dynamique. Il a une super oreille et nous dit lorsque c’est trop long pour que sa garde un bon niveau d’énergie. Il nous aide beaucoup à dégraisser.

Et puis il y a une notion à laquelle on attache énormément d’importance, c’est que chaque chanson, chaque album ou chaque concert reste cohérent musicalement. On essaie vraiment de varier les atmosphères et les niveaux d’énergie .

Donc, Yohann intervient parfaitement là-dedans en travaillant la dynamique des choses. Il a un jeu de batterie qui peut être très puissant mais il peut faire aussi très texturé. Ce que peu de batteurs savent faire. Il met énormément de finesse et ça permet au morceau de ne pas se dérouler comme des rouleaux de sopalin. (rires) Ou de manière très linéaire comme c’est souvent le cas.

David : Cela reste dans l’échange car ce que fait Yo, cela me permet de mettre des choses différentes à la basse. Et ça permet à Julien de mettre une texture, une couleur ou un sentiment différent. Et ça roule très bien comme ça.

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Rock Metal Mag : Pour l’enregistrement et le mixage vous avez choisi Yvan Barone (Studio des Forces Motrices, Genève, et à Le Château, à Vallières), avec lequel vous aviez déjà travaillé pour votre EP . Et le Mastering a été confié à Andy VanDette – The Engine Room, NYC. Vous pouvez m’en dire un peu plus?

Michel : Alors Yvan est un ami mais en plus il est très talentueux. Il est vraiment extraordinaire et capable de capturer la richesse harmonique dont on a réellement besoin. On veut que le son de Trank soit, bien sur, puissant et accrocheur, mais en même temps qu’il soit très riche et très fouillé.

Et Yvan est un ingénieur de recording qui nous permet d’obtenir tout ça. Il a une vraie maîtrise technique de l’enregistrement, du choix de micro, du paramétrage, des amplis.. Une maîtrise incroyable mais aussi beaucoup de goût et une oreille excellente.

En plus de son rôle de Recording Engineering, il a joué celui de co-producteur. On considère que l’on a produit l’album avec lui. Il nous a aidé à dégraisser pas mal les arrangements, il nous a apporté des idées pour complémenter l’atmosphère de tel ou tel autre morceau.

David : Il nous a un peu freiné aussi dans nos moments d’excès. Il était très positif.

Michel : Avec Yvan on avait enregistré un matériau extrêmement riche. On voulait lui donner ce coté massif, brutal par moment et tout en restant accrocheur. Ce coté vraiment pêchu.

On trouvait intéressant l’idée de combiner l’approche très française et européenne d’ Yvan dans l’enregistrement avec l’approche très américaine du mixage de Brian Robbins, un ingénieur du son dont on admirait tous le travail . Il a bossé avec des groupes comme Asking Alexandria et Bring Me The Horizon. On voulait de la richesse d’un coté et du punch de l’autre.

Ensuite pour le mastering, c’est Andy VanDette. Il a bossé avec Porcupine Tree, un groupe que l’on aime beaucoup, et il est très doué pour faire du mastering punchy mais qui ne perd pas de détails . C’est pour ça que l’on est allé chez lui.

David: Et Trank avait déjà travaillé avec lui pour l’EP.

Rock Metal Mag : On ne change pas une équipe qui gagne!

Michel : Non mais il y a aussi une histoire d’amitié. Avec Brian Robbins on a travaillé avec lui à distance. Quand tu dis on ne change pas une équipe qui gagne il y a aussi une histoire de relation dans le groupe qui est importante pour nous.

C’est aussi une des raisons qui fait que l’on travaille avec Yvan. Il est très doué mais aussi, on est chez nous chez lui. On finit les phrases les uns des autres si tu veux. Quand tu es en confiance comme ça avec un ingé son, il est clair que tu vas mieux jouer.

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Rock Metal Mag : Les paroles portent sur les liens qui nous lient les uns aux autres et les perversions de l’existence comme la domination, l’autoritarisme, la soumission Etc ..  qu’est ce qui t’a poussé vers cette thématique ?

Michel : En fait on s’est rendu compte que cette histoire de relations est un thème qui revient souvent dans pas mal des chansons . Que ce soit des relations dominant, dominé, des relations inconscientes, des relations de frustrations, de soumissions..

David : C’est le noyau de l’album.

Michel : Oui textuellement c’est particulièrement évident dans la chanson titre. Du coup cela nous paraissait évident de baptiser l’album d’après elle. Et puis il y a cette expression en anglais « To show the ropes » c’est apprendre les bases à quelqu’un. C’est une expression qui vient de la boxe et elle nous paraissait appropriée pour un premier album. Dans le sens, « nous on fait ça » et l’initiation à Trank c’est ça.

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Rock Metal Mag : Pour illustrer les textes de vos chansons vous utilisez l’art du Shibari ou Bondage japonais, pourquoi cette idée ? Vous vous êtes basés sur des livres comme par exemple « Shibari, L’atelier de cordes » de Philippe Boxis ( paru en juillet 2014) ?

Michel : Je connais le bouquin mais je ne l’ai pas lu. En fait l’idée du Shibari est venu de notre directeur visuel. Il déteste d’ailleurs qu’on l’appelle comme ça, mais c’est le mot qu’il faut. (rires).

C’est Alban Verneret et c’est un photographe très doué. Il a rencontré le groupe au tout début, il aime ce que l’on fait et il comprend ce que l’on fait. Alban a réalisé tous nos clips jusqu’ici. Avec le clip de The Ropes, on voulait vraiment quelque chose qui soit visuellement le plus marquant possible, en s’éloignant des clichés de tous les jours.

Donc avec Alban, on a eu une discussion avant la préproduction du clip et son tournage. On a discuté des paroles de la chanson et bien sur du concept de base du clip. Et là il a tout de suite répondu qu’il était très ami avec les membres de l’association du Shibari.

Il était certain qu’ils adoreraient participer et il y  avait une imagerie incroyable à créer autour de la chanson. Donc tout le truc est parti de là. Et comme la chanson est devenue la chanson titre de l’album, même le design de la pochette est basé sur des extraits du clip.

Après, nous ne sommes pas les premiers à faire cette analogie entre l’histoire de liens, de rapports de force ou de relations intimes et de domination dans la vie de tous les jours et avec le Bondage. Nine Inch Nails l’a fait par exemple.

Cela nous paraissait intéressant de le faire avec ce coté immaculé et spirituel, dans la façon dont il a photographié les choses. C’est ce qui nous a permis de ne pas tomber dans les clichés du Metal avec notamment les lettres gothiques et tout le coté sombre…

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Rock Metal Mag : Et ce fameux clip de The Ropes sort quand ? (le clip est sorti hier)

Michel : Mardi 15 septembre , en même temps que l’album .
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Rock Metal Mag : Avec cette pratique du Shibari, vous montrez la beauté et la vulnérabilité de la femme attachée mais il y a aussi un certain fantasme sexuel..

David : Il y a la femme mais aussi l’homme . Cela concerne l’humain sans distinction.

Michel : Oui il y a un coté très sexuel. Parce que..on est tous des vieux pervers, d’une certaine façon. (rires)

David : Moi je connaissais de nom . Tout le tournage et la réalisation du clip avec ces acteurs du shibari , qui sont des professionnels, a été un vrai moment de silence.

Michel : C’était vraiment religieux.

David : On a regardé ça pendant une heure et il n’y avait pas un bruit dans le studio de tournage. Et tout ce rituel qui ce fait la-dessus nous a vraiment marqué. C’est très impressionnant et on a un grand respect envers ces personnes qui font ce genre de pratiques.

Michel : C’est vrai que l’on était tous très impressionnés et très respectueux de la façon dont la pratique se déroulait. Il y a effectivement quelque chose de très sexuel. De toutes les façons l’album parle de relations donc il y a pas mal de chansons comme Bend Or Break, Undress to Kill, qui parlent ouvertement de sexe. Mais c’est toujours à plusieurs niveaux. Il y a toujours un lien entre le sexe et une certaine forme de spiritualité ou de philosophie de vie.

David : On est pas du tout dans le sexe animal.

Michel : Voilà, c’était important pour nous justement de ne pas tomber dans l’imagerie un peu cheap et vulgos qui vient à l’esprit. On voulait vraiment rester à l’écart de ça, précisément. Parce que quand on parle de sexe c’es toujours dans un contexte plus spirituel que ce que l’on entend un peu partout. Et c’est ça qui nous a fasciné dans l’idée du Shibari et dans sa réalisation. Je crois que l’on a jamais entendu ce groupe aussi calme et silencieux.

David : C’est vraiment un art incroyable.

Michel : C’est de la sculpture vivante. Et puis ça implique un lien de confiance entre les personnes qui participent, entre celles qui se laissent attacher et celles qui attachent.  Il y a vraiment une relation de remise de sa personne entre les mains de l’autre qui est complètement fascinante. La chanson « The Ropes » parle un peu de ça .

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Rock Metal Mag : On peut dire que les lignes directrices de l’album The Ropes sont énergie, émotion et réflexion.

David : Et Partage. Ce lien que l’on a avec le public et que l’on a entre nous, on le maintient partout en fait. Tout est en rapport avec ce disque.

Michel : Oui c’est vrai, je suis assez d’accord. C’est vraiment le 4ème mot. il y a une intensité dans notre musique qui peut paraître brutale au premier abord aux gens qui n »ont pas l’habitude d’écouter du Rock ou du Metal. Mais l’e but n’est pas de carboniser tout le monde. On veut qu’il y ait beaucoup d’énergie et d’intensité mais d’une manière qui emmène les gens avec nous. Il faut qu’il y ait un partage de cette intensité et de ce que l’on peut ressentir quand on explore les aspects les plus sombres de sa propre personnalité, l’existence que l’on mène ou quoi que ce soit. Plutôt que d’en faire un truc caricatural.

Comme on a tous des goûts très éclectiques, on écoute finalement assez peu de choses qui sont dans l’extrême permanent.

David : Sauf moi . Je peux très bien écouter un album de Porcupine Tree et derrière mettre un Slipknot. Parce que j’aime vraiment ça.

Michel : Oui mais c’est par doses.

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Rock Metal Mag : A travers cet album on ressent bien la diversité de vos goûts musicaux ce qui lui donne une belle variété musicale. Il y a mélange des genres, entre Rock, metal moderne, metal des années 90 et aussi un coté très New Wave des années 80 ?

Michel : Alors ça c’est mon gros truc. Je suis très fan de Dépêche Mode. Hystérique même ! J’ai plein de références de cette période là, que ce soit Cure, Killing Joke et tout un tas de choses plus électroniques. Les dix premières années j’écoutais presque exclusivement que ça. je suis venu au rock assez tard.

Et ce qui nous paraissait intéressant, que ce soit pour les morceaux de Julien ou ceux amenés par David, il y a toujours à la fois du rock très intense et une petite touche de noirceur mélodique que j’arrive à raccrocher à ces atmosphères de la Cold Wave. Ensuite je l’embellit avec l’utilisation d’un peu d’électronique pour souligner cet aspect là.

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Rock Metal Mag : D’ailleurs dans la chanson « Again » que j’aime beaucoup, on sent bien ce coté plus electro indus.

Michel : Celle là elle est à moi ! (rires)

David : C’est typiquement la chanson de Michel de A à Z. Toutes ses références musicales sont dedans. Elle plaît énormément à la gente féminine et c’est bien du Michel. (rires)

Michel : . J’ai amené tout le contenu coté guitare/basse/batterie, à part juste la ligne de claviers. Donc pas à 100% parce qu’on l’a arrangé et créé ensemble. Mais au départ, le but était de voir ce que cette idée typiquement ancrée dans cet univers Cold Wave des années 80, début 90 deviendrait si on la balançait dans l’univers de Trank.

Je te parlais tout à l’heure du rôle de Yohann et de la façon dont il travaille les rythmiques avec David et et il aurait été très facile de faire un traitement rythmique prévisible de ce morceau là. De là, Yohann est arrivé avec cette idée d’avoir un  Charley à contre temps, pour lui donner un coté un petit peu plus intrigant. Et puis David l’a joué en alternant des choses assez rondes à la base, qui sont très agressives et qui accentuent le coté menaçant. Donc voilà on voulait voir le résultat de cet hybride.

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Rock Metal Mag : J’aime aussi beaucoup la chanson « Chrome » dont le clip est sorti en mai dernier et que vous avez dédié à vos amis bikers. j’aime bien cet esprit d’amour de la liberté.

Michel : Alors pour le coup, ça c’est du pur David.

David : C’est une idée venue à 2h du matin. Leur dédier, c’est venu comme ça en fin de compte, mais à la base non. A cette époque là j’avais des potes bikers ou anciennement bikers et avec les paroles de Michel et le titre Chrome, c’est devenu une logique. Cela ne pouvait pas s’appeler autrement.

Michel : Ce riff que tu as amené avait ce coté, gros moteur. Mais qui tantôt tourne au ralenti, tantôt tourne à plein régime. On venait justement de discuter avec nos amis bikers, et une fois que l’on a eu un instrumental qui se tenait, on s’est dit que l’on allait leur faire un cadeau, un hymne.

On trouvait assez fascinant la façon dont il parlait de ce que représentait le fait d’être biker. Un esprit de vie, une quête de liberté, etc.. Donc on l’a écrit comme un hymne ou plutôt comme une sorte de prière. La structure des strophes c’est un peu une prière. Du coup, une fois les paroles trouvées, on a renforcé l’arrangement avec l’utilisation des machines, avec le son de base de David. On a renforcé ce coté presque industriel de gros moteur de Harley lancé à plein régime. Et typiquement c’est un morceau qui marche très bien en concert.

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Rock Metal Mag : Ce qui est très appréciable dans votre album est qu’il est très diversifié et on ne se lasse pas. On passe d’un titre à l’autre de façon très agréable. Cela montre toutes les facettes du groupe d’un bout à l’autre de l’album.

David : C’était vraiment notre recherche. On ne voulait pas être catalogué juste dans un style metal et que du début à la fin les gens aient les oreilles qui saignent. C’était vraiment pas notre but.

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Rock Metal Mag : L’album se referme sur Refugee, pourquoi avoir fait le choix d’un instrumental ?

Michel : On aimait bien l’idée de terminer avec quelque chose qui ouvre l’atmosphère de l’album. Refugee est un morceau qui date de ma toute première collaboration avec Julien. Il m’avait amené cette boucle de guitare en me demandant si j’en ferais une chanson. Et je trouvais la guitare tellement magnifique que j’ai dit non. En fait c’est la guitare qui devrait faire office de mélodie vocale et on devrait se contenter d’habiller ce que fait la guitare.

Il y a une première version qui apparaît sur l’EP et qui est très belle mais David n’était pas là. Et la version qui est sur l’album, on lui a injecté la basse de David qui a rejoué le morceau et on a refait tout le mixe. Cela nous a permis d’atteindre un cran d’émotion supplémentaire par rapport à la version de base.

L’idée de terminer avec un instrumental, un peu mélancolique mais un peu planant aussi , c’était important pour nous. On voulait éviter un effet un peu claustrophobe que l’on peut avoir avec des albums dont beaucoup de chansons ont beaucoup d’énergie. C’était bien de pouvoir respirer à la fin.

Ce n’est pas un morceau qui est très positif parce que les samples de radio que l’on utilise sont, dans l’oreille gauche, des reportages sur les Boat People à la fin des années 70 et dans l’oreille droite sur des réfugiés en méditerranée en 2015 ou 2016. Donc ce n’est pas la grosse rigolade. Mais ce morceau a un coté très ouvert et très planant qui amenait une belle note pour terminer.

David : Pour moi, Refugee c’est dire : au prochain album. On se quitte comme ça et on se revoit au prochain.

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Rock Metal Mag : Est ce que vous continuez la composition de nouvelles démos ?

Michel : En fait on a du matériau de base pour enregistrer un deuxième album.  On a suffisamment de démos à un stade embryonnaire. On a déjà terminé la première chanson du prochain album. Donc on est en train de bosser sur les suivantes. Sachant que l’on est d’éternels insatisfaits et que l’on a encore beaucoup de choses à dire on travaille sur le second album. C’est important d’embrayer.

David : On ne s’arrête pas en fait.

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TRANK : Release party & concert le 7 novembre 2020

Voir notre article : https://rockmetalmag.fr/trank-release-party-concert-le-7-novembre-2020/

Rock Metal Mag : le 7 novembre 2020 vous serez au CCO à Lyon pour votre Release Party, est ce que vous avez pu planifier d’autres dates?

Michel : Oui,  si elle n’est pas annulée. (rires) Donc, non pas encore de dates. Pour le moment, on a celle là et on ne regarde pas au delà. Il faut voir comment les choses évoluent.

David : On s’occupe surtout de la sortie de l’album et on aimerait, bien sur, le faire vivre sur scène. On en a grandement envie mais on fait comme tout le monde, on attend.

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Rock Metal Mag remercie Michel et Julien, Roger et le Black Dog

Voir : https://www.trankmusic.com/