Chronique de Zã Keli du groupe Arka’n

Chronique de Zã Keli du groupe Arka’n

Chronique de l’album Zã Keli du groupe Arka’n, par Khaos

Arka’n – Zã Keli

Par Khaos

Label : Indépendant

Genre : Metal Alternatif/ Néo Metal

Sortie : 15 février 2019

C’est la première fois depuis que je chronique des albums, mais j’ai l’impression, aujourd’hui, de me trouver face à des pionniers. En effet, Arka’n viennent du Togo, une terre et un continent que l’on croyait insaisissable aux vibrations des décibels métalliques.

Certes, il y a eu quelques groupes d’Afrique subsaharienne qui ont tenté des percées, mais sans jamais durer et avec des résultats (écoutables sur le net) souvent très décevants en terme de qualité sonore. De plus, il y a une différence entre imiter les européens ou au contraire, tenter d’importer des influences sur le continent Africain mais les utiliser dans un certain métissage. C’est pourquoi cet album est intéressant.

Nous allons traverser Zã keli comme on prend un « taxi-brousse » togolais pour remonter le pays (qui est une petite bande de terre plus longue que large). A travers les secousses de la route, pourront s’observer le mélange entre les œuvres européennes héritées des différentes formes de colonisation (politique, économique, religieuse) et celles de la tradition la plus ancrée.

La bande basée à Lomé est constituée de Rock Ahavi, chanteur, guitariste et visiblement principal compositeur et colonne vertébrale du combo. Il s’est associé à Enrico (peut-être son frère) qui chante tout aussi bien en voix gutturale qu’en chant « rap ». Complètent l’équipe le bassiste Francis Amevo, le batteur Richard Siko et cerise sur le gâteau, un percussionniste africain, DJ Max.

Premier constat que je viens de signaler en introduction, la production, le son s’avère impeccable. Tous les instruments sont audibles et bien équilibrés avec une qualité d’enregistrement qui surprend agréablement, pour qui connaît la situation au quotidien dans l’un des pays les plus pauvres du continent Africain.

J’aime particulièrement le timbre de la guitare avec une distorsion juste comme il faut, ni trop grasse, ni trop légère. Cette impression qu’à chaque riff, on entend une coupure nette comme avec une machette.

Pour ce qui concerne le style produit par Arka’n, on pourrait le classer dans le néo-metal à cause d’un chant parfois rapé. Comme je suis plutôt réfractaire au style, je préfère l’appellation de Metal Alternatif, ce qui a le mérite d’ouvrir des portes. Arka’n en ouvre de nombreuses et avec brio. En premier lieu, la rythmique est typiquement africaine : l’apport des percussions en plus des habituels duos basse/batterie ajoute un réel intérêt.

Sans être un spécialiste du solfège rythmique, il apparaît assez évident que les compositions ne restent pas dans un simple 4/4.  On assiste à un savant mélange entre binaire et ternaire, c’est très prenant je trouve.

En second lieu, la variété des chants ouvre aussi assez largement la palette. Entre les voix de Rock et Enrico, le chant clair, guttural ou façon rap, peu de risque de redondance. Et puis les compositions sont variées, avec un chant en anglais, français (sur un titre) ou en Ewé (l’une des langues du sud du Togo, la plus parlée dans le pays).

Egrainons maintenant quelques titres de ce Zã Keli.

Warrior Song démarre par une percussion typiquement africaine, au début sur une cloche métallique, puis alternativement avec un Jembe. La guitare joue claire au départ et la saturation ne vient qu’ensuite, accompagnée par les instruments rythmiques. Cela permet une bonne introduction, où ce savant mélange est mis en scène.

Le chant suit cette influence avec des parties qui pourraient faire penser à des incantations et un contre-chant plein de rage, rauque et agressif. Les paroles, dont les passages en Ewé sont traduits en bas d’une de leur vidéo, relève un discours très spirituel.

En effet, au contraire de l’Europe largement sécularisée dans lequel le Metal s’insère habituellement, il doit cohabiter au Togo avec un univers où le religieux est omniprésent. Culture traditionnelle vaudou, christianisme et Islam ont chacun leur part, avec parfois les mélanges. C’est aussi ce qui peut donner une spécificité si d’autres groupes de cette région venaient à percer. Les peuples de l’ombre, chanté dans notre langue voient ici des genres de maracas locaux apporter une nouvelle touche originale.

Lost Zion se montre plus lourde et inspirée d’un Metal traditionnel avec une grosse présence d’Enrico. On a l’impression de prendre l’avion vers les tropiques avec les premières notes de Awala, ainsi que certains passages vraiment « cool ». Ils contrebalancent d’autres plages bien agressives et en prime un solo tranchant.

Venons en a Tears of the Dead dont on vous met la vidéo.

Nous observons là tout l’ADN d’Arka’n : rythmique qui va chercher les tripes, chant varié et agréable, guitare abrasive. On y ajoute un pont musical surprenant et un nouveau solo explosif bien accompagné par le hargneux batteur.

As I Can Breathe sort un peu du lot car il sonne très Néo-Metal. J’ai l’impression d’entendre le groupe américain POD avec un chant rap de qualité. On y entend aussi un synthétiseur qui a le mérite de garder une place bien équilibrée.

Viviti revient dans la formule mixée des premiers titres et c’est même l’un des plus réussis à mon sens. La langue Ewé passe très bien dans leur musique. Un riff de guitare encore différent pour lancer Escape qui reste dans l’ambiance, puis Got to Break Out très rythmé. Les cocottes côtoient les riffs saturés, tu danse et pogote en même temps, de quoi inventer une nouvelle danse de métalleux dans les salles d’Afrique de l’Ouest.

On termine par le plus calme Welcome, petite ballade africaine au coin du feu de brousse. Attention aux moustiques, nombreux, mais ça n’empêche pas le plaisir de la soirée entre amis.

Je conclue cette chronique avec l’impression d’assister à la naissance d’une nouveauté. En sachant parfaitement doser les influences intra et extra-africaines, Arka’n propose une musique rafraichissante. Si les six compagnons arrivent à tenir la durée dans leur contexte, il se pourrait qu’une nouvelle région du monde soit séduite par la musique Metal.

Cela demande aussi un grand soutien de notre part, qui voyons parfois l’Afrique uniquement sous l’angle de ses manques. En s’appuyant sur les bases de leurs musiques traditionnelles, les togolais ont su y greffer avec justesse l’agressivité du Metal et l’adapter au contexte. Voila une voie à suivre et une formation que je vais avoir un plaisir d’encourager.

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Membres du groupe
Rock Ahavi (guitar and vocals)
Richard Siko(drums),
Francis Amevo(bass)
DJ Max(African percussions)
Enrico Ahavi (keyboard, rap)

Tracklist : Zã Keli

Warrior Song (04:03)
Les Peuples de l’Ombre (04:02)
Lost Zion (03:15)
Awala (03:33)
Return of the Ancien Sword (04:17)
Tears of the Dead (04:17)
As I Can Breathe (03:25)
Viviti (04:19)
Escape (04:13)
Prince of Fire (04:10)
Got to Break It (02:48)
Welcome (03:22)

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